Origine du temps

Ne pas pouvoir mesurer le temps au-delà de cette limite signifie qu'il n'est pas possible de remonter au-delà des qui ont suivi le Big Bang.

Les choses sérieuses commencent. "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?", comme se le demandait Leibniz.

Ce qui est une autre façon de poser la question: "d'où peut venir le temps, la réalité?". D'emblée, nous sommes confrontés à des paradoxes et plongés dans la perplexité. En effet, logiquement, trois solutions se proposent à nous:

1) Vide: le temps proviendrait du vide absolu. Au sens propre, c'est incroyable. Le temps aurait surgi du néant dans un Big Bang. Le temps aurait en quelque sorte un commencement, mais un commencement déterminé par rapport à quoi? Par rapport à "rien"!

2) Eternité: le temps existe depuis toujours, du moins sous une forme élémentaire, par exemple une singularité qui conviendrait à la théorie du Big Bang. Contrairement à la première hypothèse, le Big Bang n'est que le développement de quelque chose qui existe depuis toujours et qui n'a pas surgi du néant. Hypothèse en apparence aussi absurde que la première.

3) Infini: on ne pourrait trouver un moment premier au temps, mais le temps n'est pas là depuis toujours. Nous tombons dans le gouffre de la régression infinie, tout aussi incroyable que le vide absolu. Cela rejoint une façon de voir du physicien anglais Stephen Hawking pour qui le temps a un commencement, mais un commencement qui recule à l'infini.

Au fond, c'est une combinaison des deux autres hypothèses.

Pour ahurissantes qu'elles soient, ces hypothèses concernent toutes notre univers, et si l'on ne peut distinguer parmi elles celle qui est juste, il semble qu'il ne puisse y avoir d'autre solution. Dit autrement, la solution ne peut être aucune de ces trois hypothèses, mais il n'existe pas de quatrième hypothèse; la solution ne peut donc être autre qu'une de ces trois hypothèses. Peut-on encore douter que le monde soit fou?

Le philosophe allemand Kant a développé ces hypothèses sous le nom d'antinomies de la raison pure.



la première antinomie de kant

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Une antinomie, c'est l'expression d'une contradiction, un paradoxe. Dans son ouvrage: "Critique de la raison pure", un des livres les plus importants mais aussi les plus difficiles à lire qui aient jamais été écrits, Kant étudie le problème de l'origine du monde. Il oppose les deux propositions suivantes:

1) Le monde a un commencement dans le temps, et il est aussi limité dans l'espace.

2) Le monde n'a ni commencement dans le temps ni limites dans l'espace, mais il est infini dans le temps comme dans l'espace.

Comment accorder autant de poids à ces deux points de vue?

Parce qu'ils sont aussi absurdes l'un que l'autre. Cà, c'est moi qui le dis, pas Kant. Kant se contente de conclure qu'il n'est pas possible de départager ces deux points de vue sur l'origine et l'étendue du monde, qu'on ne peut rien faire d'autre qu'émettre ces deux hypothèses contradictoires.

Notons que Kant n'envisage que deux possibilités pour l'origine du monde, il n'envisage pas la possibilité de recul à l'infini du début du monde.

Approfondissons l'étude de ces hypothèses.

La première envisage un commencement au temps, à l'univers. Dans un tel cas, il a fallu qu'une entité surgisse du vide absolu

  • ce qui implique qu'elle puisse disparaître absolument. Cet événement constitue l'instant d'origine du temps et du calendrier universel, même si nous n'avons aucun moyen de le déterminer et pour autant que cela ait un sens.

Mais si le temps a eu un commencement, qu'y avait-il avant? Par définition, rien, absolument rien. Car s'il y avait du temps avant le temps, le temps existe depuis un temps infini. Rétroactivement, il a donc fallu attendre un temps infini avant que le monde apparaisse (ce qui nous rappelle le recul infini dans le temps de la naissance de l'univers selon Hawking).

Mais arrive-t-on à imaginer qu'il n'a fallu attendre aucun temps avant que l'univers apparaisse? D'une certaine façon, cela signifie que le temps existe depuis toujours.

Si le temps a un début, il a, selon les observations des astronomes, plus ou moins 15 milliards d'années, selon notre échelle de temps cosmologique, soit l'âge du Big Bang.

D'un côté, on se dit que si une première entité a dû apparaître, c'est qu'il a fallu un temps vide avant, de l'autre, cela semble si absurde de parler de temps sans référence à rien que l'on se dit que l'être est depuis toujours déjà apparu, qu'il apparaît toujours déjà à chaque instant. Le temps n'a de sens qu'au présent, pas au passé ni au futur. C'est ce que semble nous suggérer l'image du temps comme un train infini, comme nous le verrons au chapitre suivant.

La question à se poser est: "La question de l'origine du temps a-t-elle un sens?". Apparemment non, car le temps est sa propre origine. La question de l'origine du temps n'a de sens que dans le temps. Si on assimile le temps à l'être, l'être étant mouvement au même titre que le temps, la question de l'origine de l'être n'a pas plus de sens que celle de l'origine du temps. C'est ainsi que l'on se rend compte que la question "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien" est une fausse question car il n'y a pas "rien", on ne peut mettre "rien" sur le même pied que "être". A vrai dire, il s'agit de la même question. Mais c'est une nouvelle façon de l'envisager. Le plus troublant, c'est que nous parvenions à formuler des questions qui n'ont aucun sens et que nous soyons profondément convaincus qu'elles ont un sens, qu'elles sont même les seules questions qui aient un sens.



Apparition et disparition absolues

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Nous poser la question de l'origine du temps nous conduit à nous interroger sur les notions d'apparition et de disparition absolues. On anticipe ainsi sur le chapitre réservé au "voyage dans le temps", pour lequel ces questions sont centrales.

Une chose qui disparaît absolument, c'est-à-dire dont il ne reste strictement rien, pas même la plus infime particule dans l'univers, peut-elle réapparaître absolument dans un vide absolu laissé par l'univers qui a vieilli et qui se trouve "ailleurs" dans le temps? Ou bien réapparaît-elle dans le futur de l'univers?

Dans le premier cas, il peut y avoir un nouvel univers toutes les 10-³³s dans le passé et le futur, puisque l'univers se comporte comme s'il voyageait dans le vide, et que le vide est un océan de particules virtuelles. Mais cela contredit la loi de conservation de l'énergie, expression moderne du "rien ne se perd, rien ne se crée" de Lavoisier.

Dans le deuxième cas, il s'agit d'un présent persistant; d'une certaine façon, l'univers est là sans être là, mais toujours là. Il ne se déplace pas dans une sorte de vide ni dans le temps. Et cela confirme la loi de conservation de l'énergie.

Si un individu s'extrait absolument de l'univers pendant 10" par rapport au calendrier qui était sa référence, l'univers est 10" plus loin que lui dans le temps. Mais est-ce dans le même espace?

Sinon, comment l'individu pourrait-il rattrapper l'univers? Lui suffit-il d'accélérer son temps propre de 10"? Mais comment? D'après la Relativité, il est seulement possible de ralentir le temps propre d'une entité pourvu qu'elle se déplace à une vitesse proche de celle de la lumière. On voit mal comment ralentir le temps propre de tout l'univers.

Et un individu qui prendrait 10" de retard par rapport à l'univers qui le suit, pourrait-il apparaître subitement dans cet univers qui n'est pas son univers de départ?

De la réponse à ces questions dépend l'éventualité d'une catastrophe que nous évoquerons à la fin de cette première partie.





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